Un nouvel exercice de diagnostic fournit les premiers éléments pour l’élaboration d’un cadre analytique qui identifie les contraintes institutionnelles à la croissance.

Un nouveau rapport majeur produit par des chercheurs du programme de recherche Economic Development and Institutions (EDI) fournit aux décideurs politiques du Bénin une analyse exhaustive et complète visant à identifier et à réduire les contraintes institutionnelles qui entravent le développement rapide, durable et inclusif du pays. Le rapport fournit également de nouvelles perspectives et des éléments clés d’un nouveau cadre de diagnostic institutionnel du pays et dont l’application peut être généralisée à d’autres nations.

Il est généralement admis que les institutions sont un déterminant majeur de la performance économique et un facteur important pour comprendre les différences de croissance et de prospérité entre pays et au sein d’un pays. En dépit de cette prise de conscience croissante de l’importance du rôle des institutions dans l’explication des performances économiques, il existe très peu de travaux scientifiques permettant d’identifier les faiblesses institutionnelles les plus actives qui entravent le développement ainsi que les changements institutionnels à opérer et comment les mettre en œuvre. Le programme EDI a été créé en 2015 et est financé par le gouvernement britannique afin de combler ces lacunes dans la recherche sur les institutions et leurs impacts sur le développement économique.

EDI est pionnier dans le développement d‘unnouveau cadre qui aidera les décideurs à identifier les faiblesses institutionnelles qui contraignent le développement et à informer sur les réformes appropriées. Aucun outil de ce type n’est actuellement disponible dans la littérature. EDI développe cette approche par le biais d’une série d’études approfondies par pays dans le but de formaliser une approche globale de diagnostic des faiblesses institutionnelles et contribuer à l’élaboration et à la mise en œuvre de réformes, plus éclairées et plus appropriées. La première de ces études de cas pays (publiée en septembre 2018) porte sur la Tanzanie, un pays d’Afrique de l’Est à faible revenu et ancien protectorat anglais. Les chercheurs d’EDI ont maintenant achevé la deuxième étude de cas. Elle concerne le Bénin, pays d’Afrique de l’Ouest à faible revenu et ancienne colonie française.

Le Diagnostic institutionnel du Bénin est une nouvelle publication fondée sur une étude systématique et holistique de l’environnement économique et institutionnel béninois et, de son fonctionnement. Co-édités par quatre chercheurs d’EDI, les chapitres ont été rédigés et commentés par des chercheurs béninois et étrangers ayant une connaissance approfondie du pays et des domaines étudiés.

Dans l’ensemble, la recherche révèle une “chaîne de causalité ” entre quatre catégories principales de faiblesse institutionnelle au Bénin, à savoir la corruption, les inefficiences dans la gestion des affaires publiques, l’opacité dans la prise de décision publique et l’informalité excessive de l’économie béninoise. Le rapport identifie également leurs causes immédiates telles que l’’instabilité politique’, la confiscation des fonctions clés de l’État par l’élite, la faiblesse de l’État ou de ses capacités, et la possibilité de rentes immédiates et faciles, mais illégales. En retour, ces causes sont liées à des facteurs sous-jacents profondément enracinés, tels que la nature du jeu politique, essentiellement le néo-patrimonialisme avec de multiples « Big Men » économiques et/ou politiques, mais aussi des facteurs géographiques ou ethniques.

François Bourguignon, qui dirige la recherche sur le diagnostic institutionnel du programme de recherche EDI, résume ainsi le diagnostic institutionnel du Bénin: “Nous connaissons la malédiction des ressources naturelles et ses puissantes racines institutionnelles. Le Bénin ne dispose pas d’importantes ressources minérales ou non minérales. Pourtant, il est confronté à un double handicap. C’est un mono-exportateur agricole dans un produit à l’avenir incertain – le coton – et c’est un petit pays situé à côté d’un pays, grand producteur de pétrole, le Nigeria, qui offre des rentes conséquentes, immédiates et faciles par la contrebande. Derrière une façade démocratique sans faille apparente, ces deux facteurs ont des effets dévastateurs sur les institutions et l’économie du Bénin. D’autres voies sont cependant possibles, à condition que des réformes institutionnelles courageuses soient entreprises.”

Le diagnostic institutionnel du Bénin approfondit ces idées, en identifiant les canaux par lesquels ces deux facteurs clés, dans le cadre d’une lutte politique acharnée, entravent le développement à travers des lois et politiques confuses et changeantes, la faiblesse de la qualité des services publics généraux, le climat d’investissement défavorable, la vulnérabilité excessive aux chocs extérieurs et la dépendance vis-à-vis de l’aide publique au développement.

Le rapport aborde ensuite les moyens de pallier ces problèmes tout en reconnaissant les lourdes contraintes et incertitudes découlant de l’économie politique en place, y compris l’évolution de la structure du pouvoir politique.

C’est cette note positive que souligne Romain Houssa, économiste béninois qui enseigne à l’Université de Namur en Belgique et co-éditeur du diagnostic institutionnel du Bénin :

Le Bénin possède des atouts majeurs : des entrepreneurs, des commerçants et des marchands expérimentés et un avantage comparatif non seulement pour les produits traditionnels comme le coton, mais aussi pour les nouveaux produits agricoles qui peuvent être transformés localement pour être vendus à un prix rentable sur les marchés nationaux, régionaux et mondiaux. Globalement, le Bénin dispose d’un grand potentiel de développement qui pourrait être libéré grâce à un meilleur environnement institutionnel et politique.”